Critique de
Jean-Paul Gavard-Perret
"Transfigurations"
Subliment érotiques et métaphysiques chants d’un amour terrestre et mental, les textes de Catherine Andrieu sont incandescents et nous pouvons oser le mot
de sublime en droite ligne des grandes poétesses surréalistes.
“J’aime comme tu bouges tes doigts, c’est tellement érotique l’intelligence” pourrait être une synthèse de ces chants où la femme traverse les temps et les miroirs.
L’amour n’est jamais donné là pour acquis, d’où ces suites où l’imaginaire complète l’existence dans ce qui pourrait paraître pur vagabondage ou association libre mais qui est bien plus que
cela.
Dans un rythme d’écriture singulier, Catherine Andrieu laisse le lecteur à la fois guidé mais aussi abasourdi et sonné par un chemin d’errance (fléchée) en sa compagnie et dans un élan
presque irrépressible vers elle. Ce compagnonnage charnel et spirituel témoigne d’un monde fascinant, émouvant et voluptueux.
Les métamorphoses créent un fleuve Amour qui n’a rien de tranquille et qui pousse à la distance comme à l’intimité.
Existe ici tout ce qui vient du désir et qui reste inexplicable.
Et la force de ces livres reste de lui consentir, en pure sensorialité de “mammifères mystiques”, son Vésuve là où l’écriture nous dévore littéralement.
"Le Minotaure de Catherine"
Il faut se laisser emporter par les vagues de la prose poétique de Des nouvelles de Minotaure ? Catherine Andrieu y donne la pleine puissance de son langage
et de son imaginaire.
Celle qui se dit “mystificatrice” reste pourtant à mille lieues du factice. La force métaphorique devient chamanique en sortant du plus profond de son être. Si bien que le poésie
aussi intime que cosmique devient un rite sidéral et sidérant, personnel et initiatique comme l’est la danse pour les derviches tourneurs.
Entre réel et irréel, entre les diverses personnes du singulier, entre réflexion et envol, s’inscrit un lent dérèglement des sens. Il transforme la poétesse et celui ou celle à qui elle
s’adresse en “un chaos gouverné par un rythme”.
Et là où Piano sur l’eau jouxte un expérience biographique intime, Des nouvelles du Minotaure ? inscrit un registre plus orphique.
Cet ensemble est fulgurant là où la femme prend au besoin tous les rôles — vierge ou catin — mais reste parfaite dans l’innocence d’avoir si peu d’histoires dans le geste, même si elle peut
retourner cette attitude en un magistral contre-exemple.
La réunion de ces textes de la véritable femme surréaliste de notre temps devient rade, radeau, rectangle mouvant, carré de sécurité, aire de perdition.
Nous pouvons y déchiffrer un vide vertical : celui du vertige qui en est le contenu.
"Poétesse de l’effacement"
Ecrire permet de parler. C’est aussi un esto memor et un “fragile bégaiement de la beauté” et d’une certaine musique lorsqu’il ne reste que peu de choses avant
de s’estomper.
C’est pourquoi tout poète digne de ce nom est un illusionniste.
Catherine Andrieu le prouve, moins pour tromper les autres que le temps qui passe.
C’est aussi une manière de faire le point avant que la nuit tombe et avec elle le dernier mot.
Existe là une sensation étrange qui prolonge la quête d’un Beckett. Catherine Andrieu devient comme lui un poète de l’effacement. Moins dure que celui dont elle devient une héritière
putative, elle ménage — pour finir encore — des mots plus doux que les siens.
Et c’est ce qui fait tout le prix d’un tel livre rare.
"Catherine Andrieu fausse mystificatrice"
Celle qui se dit “mystificatrice” donne la pleine puissance de son langage et de son imaginaire. Elle reste pourtant à mille lieues du factice. La force
métaphorique devient chamanique en sortant du plus profond de son être. Si bien que le poésie aussi intime que cosmique devient un rite sidéral et sidérant, personnel et initiatique
comme l’est la danse pour les derviches tourneurs.
Entre réel et irréel, entre les diverses personnes du singulier, entre réflexion et envol, s’inscrit un lent dérèglement des sens. Il transforme la poétesse et celui ou celle à qui elle
s’adresse en “un chaos gouverné par un rythme”.
Et là où Piano sur l’eau jouxte un expérience biographique intime, Des nouvelles du Minotaure ? inscrit un registre plus orphique.
Cet ensemble est fulgurant là où la femme prend au besoin tous les rôles — vierge ou catin — mais reste parfaite dans l’innocence d’avoir si peu d’histoires dans le geste, même si elle peut
retourner cette attitude en un magistral contre-exemple.
La réunion de ces textes de la véritable femme surréaliste de notre temps devient rade, radeau, rectangle mouvant, carré de sécurité, aire de perdition.
Nous pouvons y déchiffrer un vide vertical : celui du vertige qui en est le contenu.
"Dans l'intimité du processus créatif"
Parant de sa réalité et de ses fantasmagories, ses aveux Catherine Andrieu, oblige à pénétrer au coeur de sa création et à nous interroger à travers ses mots de
corps et par le corps de ses mots sur ce qu'ils dévoilent.
Ils dépossèdent d'un royaume que nous croyons acquis pour nous porter vers les errances, les orages d'une femme secouée par une "folie" émettrice autant d'une douleur que d'un rêve immense. Se
découvre un univers féminin particulier, fourmillant. Il donne accès au questionnement sur l’intégrité et l'identité corporelle. A partir de là la création fait qu'une telle poétesse et amoureuse
blanche devient une fée. Elle corrige le mauvais sort, le rend moins définitif.
"La femme qui écrit" comme elle se définit agit avec son histoire, sa chair, ses connaissances littéraires, philosophiques, artistiques, spirituelles en restant toujours dans l'émotion. Celle-ci
trouve les mots pour se dire, des mots de magicienne où se croisent les silhouettes superposées de jumelles du passé dont les visages sont à l'origine d'une écriture de mémoire et de futur dans
un présent qu'elle creuse en ultime femme - donc la première - surréaliste.
"Contre toute attente"
Evoquant de sa réalité et de ses fantasmagories, les aveux, Catherine Andrieu, oblige à pénétrer au coeur de sa création et à nous interroger, à travers
ses mots de corps et par le corps de ses mots, sur ce qu’ils dévoilent.
Ils dépossèdent d’un royaume que nous croyons acquis pour nous porter vers les errances, les orages d’une existence émettrice autant d’une douleur que d’un rêve immense.
Se découvre un univers féminin particulier, fourmillant. Il donne accès au questionnement sur l’intégrité et l’identité corporelle. A partir de là, la création fait qu’une telle
poétesse et amoureuse blanche devient une fée. Elle corrige le mauvais sort, le rend moins définitif.
Créant de manière sensorielle et médiumnique ce qu’elle nomme une “littérature d’atmosphère” héritée entre autres de Duras, Beckett, Gide, Catherine Andrieu propose et explicite ici ses
propres nourritures terrestres et habitées. Se révèle et se relève toute une vie entre rêverie et tourment qui, dans son oeuvre poétique, acquiert une écriture des plus originales .
Dans son aventure de chamane surréaliste, Catherine Andrieu devient créatrice de “légendes” où l’intensité de la volupté poétique a raison de la douleur.
Entre réel et irréel, entre les diverses personnes du singulier, entre réflexion et envol, s’inscrit un lent dérèglement des sens. Il transforme la poétesse et celui ou celle à qui elle
s’adresse en “un chaos gouverné par un rythme”.
Et là où Piano sur l’eau jouxte un expérience biographique intime, Des nouvelles du Minotaure ? inscrit un registre plus orphique.
Cet ensemble est fulgurant là où la femme prend au besoin tous les rôles — vierge ou catin — mais reste parfaite dans l’innocence d’avoir si peu d’histoires dans le geste, même si elle peut
retourner cette attitude en un magistral contre-exemple.
La réunion de ces textes de la véritable femme surréaliste de notre temps devient rade, radeau, rectangle mouvant, carré de sécurité, aire de perdition.
Nous pouvons y déchiffrer un vide vertical : celui du vertige qui en est le contenu.
"Vers l’ouverture"
Faisant retour à un certain classicisme poétique, Catherine Andrieu trouve de quoi nourrir un double mouvement existentiel entre Eros et Thanatos.
Paradoxalement se soumettre aux règles de la versification lui permet d'être plus libre et de s'oser dans le désir même si la maladie et ses enfers demeurent présents.
Existe là une catharsis implicite où âme et corps ne font qu'un. Si bien que même si "une partie de moi fut perdue", l'appel des sens demeure ce qui n'est pas sans
entraîner des égarements presque voluptueux quoique marqués sinon de repentance, du moins d'une sorte de culpabilité.
Créative, Catherine Andrieu le reste comme elle s'accroche à son écriture nourrie de peintres (Van Gogh, Gauguin, Dali) et d'écrivains (de Kundera à Robbe-Grillet,
de Gide à Cioran ou Duras) qui lui permettent de nourrir autant son âme "monstrueuse" que son regard "clair" à travers sa poésie. Celle-ci montre ce qu'une telle auteure rare et importante
a "dans le ventre" et ne laisse pas placide - tant s'en faut.
"Catherine Andrieu scriptographe de l'amour"
"Les mouvements d’amour"
Catherine Andrieu à la fois exacerbe et renverse les données du processus libidinal qu’elle induit et provoque. Est-ce comme l'écrivit Yourcenar pace que « Les
Français ont stylisé l’amour, ils y ont cru et se sont obligés de le vivre. Ils l’auraient vécu différemment s’ils n’avaient pas toute cette littérature derrière eux ». Ce n'est sans doute pas le
cas pour celle qui attrape le désir par l'échine en hommage à un certain surréalisme.
Si chez une telle auteure la liberté fut plus imaginaire que réelle, ici Eurydice, sans oser se mouiller en rameutant ce qui lui est arrivé et qui l'a conduit vers
l'ouverture en rameutant un lyrisme si particulier de celle qui est mer, terre, étoile et mouette à la portée du cliquetis des mats percussionnistes de ses diverses amours
Un « temps » paradoxal émane étrangement en des surfaces faites d'aveux. Cela fait penser sur le plan de l’effet de vision à la fameuse anecdote sur Giotto. Jeune
élève de Cimabue il peignit de manière si frappante une mouche sur le nez d’une figure commencée par son maître, que celui-ci, en se remettant au travail, essaya plusieurs fois de la chasser avec
la main avant de s’apercevoir de sa méprise… A sa manière Catherine Andrieu est une Giotto « scripturographe » des émois amoureux.
Entre l’extériorité lumineuse et le repli des plus impudiques elle lie sans cesse l'ouvert et le retrait. L'acte de délimiter l'espace par l’effet de grossissement
de la lentille revient d’ailleurs à porter encore plus à découvert l’infime et la libre vastitude. On se souvient alors qu'être sur terre veut dire être sous le ciel (de lit). Et il n'est plus
besoin de diviniser les astres pour éprouver la (douce) contrainte de la station terrestre et le sentiment des effluves des douleurs et des voluptés.
"L’absolu et son mâl(e)"
Les motivations de Catherine Andrieu traversent sa vie et ses expériences amoureuse. Elle crée une série dans laquelle cette représentation s’exprime à
travers une approche surréaliste. Mais sa vie trouve l’occasion de se regarder sans filtre, de méditer sur la perte de ses certitudes et sur le néant qui l’angoisse. Bref, des thèmes
qui font partie de de tels textes.
Une danse, un mouvement entre les corps et leurs « performances » créent des fusion, des communions. La créatrice se consacre à ce qui se passait. Elle met en évidence le rejet, le
conflit et la difficulté du processus, la recherche d’une union qu’elle a entrevue, mais qui n’a pas encore toujours eu lieu. Entre la soif de la désolation et la force indomptable se
reconstruit, au fur et à mesure, un processus de transformation qui est en cours.
Catherine Andrieu confronte à la réalité aux portraits des amants. Surgit ce que Pascal Quignard appelle Le sexe et l’effroi mais aussi un sacré dans une recherche d’absolu dont
l’impossible tarde. C’est un commencement sans fin, et l’activation d’une nouvelle archive, une recherche d’équilibres différents et aussi la révélation des traces de l’aimante.
Les textes imprègnent surtout les embranchements des amoureux et leurs traumatismes.
"Les infarctus de coeur de Catherine Andrieu"
Le fameux titre du journal intime de Baudelaire, Mon cœur mis à nu, correspond parfaitement aux espoirs et dérives de Catherine Andrieu poète exceptionnelle mais blessée profondément par ses amours premières ou plus anciennes.
Les éditions Rafaël de Surtis de Paul Sanda ont compris l'envergure d'une telle œuvre. Et ce nouveau corpus renoue avec les infarctus sentimentaux pour celle qui ne voit
l'intérêt de sa vie que dans la vérité de l'amour. Elle en a payé et paie encore le prix fort.
La force émotionnelle des affects, certaines tortures mentales de manipulateurs, l'érotisme qui parfois pour d'autres hommes culbute dans la viande ou la vanité jaillissent de la tempête
intérieure d'une poétesse qui reste la dernière des surréalistes mais la jeunesse de l'exigence d'un lyrisme particulier original.
Catherine Andrieu s'appuie sur l'idée du chemin, de la trace, de la possibilité du voyage. Elle exploite non le plein mais l'interstice pour montrer ce qui s’y passe là où se dessine
poétiquement la représentation physique du parcours invisible de l’être et de son affect.
Ces différents temps de l'œuvre, en cette série de rhizomes, deviennent le sceau de la multiplicité des histoires d'âme et de corps. Elles construisent l'expérience d'une telle femme
d'exception livrée sur son quai des brumes et goélands de l'Océan.
Catherine Andrieu, Des nouvelles de Léda ?
Dans cet ensemble de textes des courants d’énergie libidinale et mystiques appellent à la rencontre impossible, au seuil infranchissable. Ce qui se soustrait est
tout autant offert en une absence présence. N’y manque que l’humour : mais il ne peut se profiler lorsque manque l’amour. L’auteur l’attend non au-delà mais ici même dans sa solitude extrême qui
la fait voyante même de ses voyeurs. Elle connaît leur obscur mais s’adresse encore à eux.
Enfreignant par exemple la règle qu’une belle jeune fille, celle-ci ramène parfois par la mort qu’elle fréquente à une forme de Vanité. Le passage du temps, cruel pour la beauté, devient le
passage vers la chair laissée à la dévoration du Dieu-Temps.
Catherine Andrieu ose parfois préfiguration de la femme devenant vieille et aux chairs molles. Elle retient par exemple de ses deux mains ses seins lourde. Chair pendante, sa poitrine n’est
donc pas celle d’une jeune femme, comme si la beauté était toujours déjà vouée à la mort.
La source véritable serait-elle alors Métaphysique ? Il y a en cette femme de l’ordre de l’acceptation de l’inéluctable. L’artiste apparaît ainsi comme la peintre de "ce qui est".
Ecoutons là. Car elle nous manque. Comme nous lui manquons sans doute toujours un peu. Nous dérivons parfois en rêvant de partager sa couche où nous joindrions nos nudités. Mais sans doute ce pas
au-delà serait un pas impossible. Ou de trop. Ecoutons là plutôt dire ses symptômes et les nôtres. Et évoquer écarts, ruptures et convulsions lentes.
Catherine Andrieu, Des nouvelles de Léda ?
Les lecteurs des textes de Catherine Andrieu deviennent ses voyeurs obligés. Ils projettent sur la femme, son corps, son âme ce qu’elle en dit. Les voici soumis à
ce flux et démultiplié car l’œuvre est aussi profondément spirituelle et ailée que charnelle et érotique.
Parfois cela peut sembler cruel du moins pour un public effarouché. Surtout lorsqu’elle évoque l’amour même si, au fond, Catherine Andrieu demeure pudique et presque platonique. Bref nue de
nuées.
Pourtant sa poésie dérange car il n’est pas jusqu’à la vulve parfois béante de s’ouvrir sur l’imaginaire. Le lecteur se plait alors à considérer l’auteur coupable de nous imposer son implicite
injonction : “regarde !”. Mais dès lors il est obligé de s’infiltrer par où ça passe et ne finit jamais de s’enfoncer.
La vie s’y rattache — même dans ses envolées là où l’auteur enjoint de regarder par le trou de sa serrure pour voir non seulement ce qu’on espère mais aussi des abysses de l’existence puisque de
l’enfance à aujourd’hui, de la Méditerranée à l’Atlantique Catherine Andrieu nous offre sa vie. Pas toutefois comme un festin nu. Car il y a bien plus. La douleur demeure même si parfois l’auteur
la cache sous une mantille.
Comme Artaud, elle est à sa manière une suicidée (encore en vie) de la société dont elle fait partager le sort des victimes. Elle est à ce titre la “différante” (pour emprunter le néologisme de
Derrida). Elle tient debout dans ses textes comme si c’était un miracle de l’amour même lorsqu’il chute et ce pour dire l’absence et le manque. L’accomplissement toutefois n’est pas oublié. Il
est plus même plus qu’une thématique : il devient la poésie et sa présence. Bref son essence.
Ce qui est masqué dans les abîmes de l’être l’auteure le révèle en nous faisant participer à sa quête. Sur le blanc de chaque page nous retrouvons l’épreuve de
l’épaisseur humaine nourrie de bien des mythes (et des chats) qui participent à une telle éclosion contre les occlusions de l’âme et les ratés du corps.
Tout un monde intérieur est là entre orgasme et douleur dans un effet de sublimation où le cri du cœur trouve des mots pour se dire. De la crudité facile il n’est jamais question mais de vérité.
Et c’est un honneur de la présenter par celle qui lie la poésie à l’érotisme, l’art à la matérialité de l’âme de même que ses diverses postulations complexes à son envie d’être en vie malgré sa
charge de supplices.
Si bien que c’est l’inconscient qui s’ose et parle. Catherine Andrieu devient Vénus, Sainte Thérèse et Madame Edwarda confondues.
Catherine Andrieu, Initiations
L’amour et ses secrets
Catherine Andrieu nous emmène dans un conte emprunté (à qui la connaît) à sa vie. Il faut s’y laisser porter et succomber comme l’héroïne par l’amour et son courant qui nous transporte
dans un autre univers même si une telle passion subit de gré mais surtout de force des sortes de collapsus que l’on finit par comprendre comme s’ils étaient tendrement maternels et comme
si une telle « poupée » au visage « pâle comme la lune » poudrée de sens et sensualité va ressusciter en gloire.
Elle garde ses secrets mais son histoire est contée par Catherine Andrieu qui elle-même devient l’enchanteresse de tous les sorts possibles. Surgissent des bouillonnements de l’univers à la
Lewis Carroll. Mais avec notre auteure, un cosmos chatoyant pousse au merveilleux même si la joyeuse fébrilité verse parfois dans l’angoisse et la cruauté.
Des corps tapissent leur pulsions, d’autres — non mécaniques — partagent un fluide, une danse tellurique, une matière vive là où, par cette nouvelle légende, la question de la vie et de la
mort se mêle à la quête de sens. L’animal lui-même prend diverses valeurs : le lion est forcément carnivore, mais le chat — sans forcément être du Cheshire — laisse à la femme-enfant
profiter d’un essor.
Ce chant et ses fragments de contes ne nous conduisent pas au néant mais, tout au contraire, nous invitent à retrouver notre corps, le cœur vivant de la respiration, l’appel d’air et au don
de soi. Parfois, au sein d’un tel mythe, nous sommes parfois vides de Dieu et sexués puisque le terme de sexualité est un autre mot pour dire séparation et déchirement.
Mais les initiations cosmiques créent la distance et l’attirance, le manque et l’attrait. Face au chaos divisé, le monde redevient un jeu de forces appesanties mais sauvées par
l’amour.
Catherine Andrieu, Les griffes d’Obsidienne
Entre mythe et réalité
Catherine Andrieu poursuit sa légende de la femme absolue aux cheveux de neige avec sa panthère. Elle est suivie et observée par l’enfante blonde dont la narratrice est le double. Êtres
et objets deviennent plus qu’étrangers dans un monde cosmique et forestier là où les quatre éléments de l’univers sont le bréviaire d’une femme. Dans un tel conte, de paradoxaux veloutés et
voluptés s’ébauchent dans un clair-obscur et un peu d’ombres, de rondes et de croches car l’auteure bat au rythme de l’univers, la peur, la joie et l’espérance accouplées dans l’instant d’une
mort qui s’éternise.
Cette recouvrance prend la force d’une évidence et tout viol est un coup de couteau dans le bas ventre. L’enfante presque narratrice se noie dans le brouillard, mais celle qu’elle a perdue
brille. Elle ramasse ses promesses de jadis même si elle s’est donnée à l’inconnu du saut. Ici, mythe et vérité se confondent pour retrouver un temps « mort » contre celui qui n’a pas cessé
d’être.
Et de fait, pour Catherine Andrieu, écrire un tel livre, c’est se défier du ciel orthonormé et bien sûr se souvenir d’une journée de solitude qui aurait dû être accompagnée et pleine. Par
ce conte « engagé », la poète a aimé dans les soupirs et les larmes. Mais quelle peine tourmente cette enfant qui lui ressemble ? Celle qui devient sa propre insécable solitude.
L’écrire, ce serait pleurer sans raison. Mais, larmes omises, ici les pages s’éclairent dans le silence du mythe, sa contemplation et le saut dans l’inconnu(e). D’autant que Catherine
Andrieu connaît mieux que tous les autres poètes les nuances, la valeur des connotations, l’importance du contexte, celle de la syntaxe (parce que la place dans le tissu du texte est au moins
aussi importante que le choix du mot…), etc. Mais ce n’est pas seulement cela. Pour l’écrivaine, la poésie est plus qu’une collection de beaux mots et voie plus qu’une oraison spécifique
: une descente dans les profondeurs de la psyché et ses troubles.
Dans ces expériences d’écritures surréalistes et existentielles, le mot n’a pas seulement un emploi décoratif, de bel emballage, mais un rôle de création, il est directement impliqué
dans des expériences risquées. A la différence du peintre ou du musicien, une telle auteure préserve comme matière première des vocables. Preuve qu’une poète via la légende avoue ses
chagrins d’amour et d’autres sortes, mais aussi ses sensations esthétiques, et — pourquoi pas — ses réflexions philosophiques.
La parole n’étant plus considérée simplement comme un véhicule, l’essentiel pour l’auteure oblige qu’elle soit magique et sensible en produisant bien des effets sur nous.
Catherine Andrieu, Les griffes d’Obsidienne, Préface de Patrick Cintas, Rafael de Surtis éditeur, Cordes sur Ciel, 2024, 40 p. — 18,00 €.
Catherine Andrieu, Les griffes d’Obsidienne
Dans ce superbe conte poème en prose en un si long voyage dans le temps comme dans la vie de Catherine Andrieu à chacun d’en comprendre, dans bien de concordance
des temps. La poétesse ne récrit jamais le double de ce qui a déjà été dit et ne tire jamais la laisse du chien de la mélancolie (ou de Goya lui-même). Chez elle une odeur de neuf relie la terre
au ciel et vice-versa si bien que - paradoxe - son écriture est plus ruisseau que pluie.
En une forme d’expérience d’écritures surréalise et t existentielles le mot n’a pas seulement un emploi décoratif, de bel emballage, mais un rôle de création, il est directement impliqué dans des
expériences risquées. A la différence du peintre ou du musicien une telle auteure préserve comme matière première des vocables. Preuve qu’une poète via la légende nous avoue ses chagrins d’amour
ou d’autre sorte, ses sensations esthétiques, ou, pourquoi pas, ses réflexions philosophiques ; la parole n’étant plus considérée simplement comme un véhicule, l’essentiel pour l’auteur étant
qu’elle soit magique et sensible qui a un effet sur nous.
Contrairement à lire les productions lyriques des velléitaires qui savent très bien que la sincérité du sentiment ne donne pas obligatoirement de la poésie.Ici à l’inverse un tel texte poétiques
découvre des traces de l’existence de l’auteur, une autre histoire et un mécanisme de la transposition du vivant.
Pour Catherine Andrieu il n’y a pas de “règles” sinon l’approche d’une pour sublimation. Tout chez elle tient du domaine de la surprise, du vécu du poète qui peut se traduire soit dans une image,
soit dans une particularité de poème en prose dans une succession secrète de séquence. L’émotion a une place importante dans l’existence de l’auteure qui n’a pas de valeur poétique descriptive
qu’en elle-même. C’est la même chose avec la philosophie qui nous est communiquée par cette poésie dont les combinaisons des mots de textes poétiques peuvent quelquefois nous proposer des idées
mais il ne s’agit pas des mêmes réflexions que celles, argumentatives, des philosophes.
Catherine Andrieu, Les griffes d’Obsidienne, Préface de Patrick Cintas, Rafael de Surtis éditeur, Cordes sur Ciel, 2024, 40 p. — 18,00 €.
Catherine Andrieu, Les griffes d’Obsidienne
Cérémonie secrète de Catherine Andrieu
Catherine Andrieu peut employer dans sa construction textuelle tout une archéologie du mythe des profondeurs de la terre et de l’obscurité pour raconter une histoire. Son récit ici et
comme souvent est une vision très personnelle. Au paysage classique se superpose réel du passé et du présent. Si bien que tout s’imbrique entre faits, légendes, vérités possibles,
mythologies lointaines afin de traduire et renforcer le sens de la cavité, entendue comme un espace générateur où peut se lire non seulement le mythe de la caverne de Platon mais l’antre du
féminin.
La contrainte d’une telle créatrice l’artiste est moins la recherche d’un « paysagisme » mais le besoin de revenir sur une île mémorielle de sa propre enfance et ses
amours ambivalente car elle peut à la fois se retrouver l’enfante (blonde) qui sommeille en elle et se voit confronté, par le biais de la conscience adulte de la narratrice, à la
mémoire de l’inéluctable cycle naturel entre ouverture et dénouement : la représentation poétique ici autorise à remonter les temps. Un n’est jamais seul.
Que voit-on naître de la nuit et la ruine de l’empire du mythe de la femme aux cheveux de neige accompagnée de sa panthèree ? C’est la mort qui scrutait en elle par les envahisseurs. Mais une
enfante blonde (double de la narratrice et auteure) claque les portes.
Pour elle le soleil n’est jamais trompeur. Nous retrouvons ici une langue altière même en « phrases crevées ». D’autant qu’elles ne sont jamais grevées d’absence. Le tout est de nager dans
une eau qui malmène. Mais non sans plaisir même lorsque certaines situations peuvent être parfois douloureuses.
Dans ce superbe conte poème en prose en un si long voyage dans le temps comme dans la vie de Catherine Andrieu à chacun d’en comprendre, dans bien de concordance des temps. La poétesse ne récrit
jamais le double de ce qui a déjà été dit et ne tire jamais la laisse du chien de la mélancolie (ou de Goya lui-même). Chez elle une odeur de neuf relie la terre au ciel et vice-versa si bien que
— paradoxe — son écriture est plus ruisseau que pluie.
Une telle affaire est entendue en touches « sur les toits d’un goût de chose lue dans l’aboiement de l’air » mais l’auteur ne joue ni l’ange ni la bête. Il lessive le connu pour extraire d’un tel
essorage les « volupté des voluptés » et son contraire. Se capte l’insaisissable de l’intime mais sans la moindre ostentation du lyrisme — cette frangipane souvent indigeste dans la pâtisserie
commune des poètes.
Le tout à la recherche de la transparence passe par l’opacité qui nourrit la complexité de l’auteur et de son aimée qui innerve ce livre (et pas seulement
celui-ci). Après tout et au nom de ce que l’amour « fait » les deux corps de ce couple d’élection sont réels, fantasmés, vibrants (une telle expérience est connue à tout « amourant »).
Dans ces expériences d’écritures surréalistes tt existentielles le mot n’a pas seulement un emploi décoratif, de bel emballage, mais un rôle de création, il est directement impliqué dans des
expériences risquées. A la différence du peintre ou du musicien une telle auteure préserve comme matière première des vocables.
Preuve qu’une poète via la légende nous avoue ses chagrins d’amour ou d’autre sorte, ses sensations esthétiques, ou, pourquoi pas, ses réflexions philosophiques; la parole n’étant
plus considérée simplement comme un véhicule, l’essentiel pour l’auteur étant qu’elle soit magique et sensible qui a un effet sur nous.
Plutôt que de parler de déconstruction de l’image il faut insister plutôt sur la présence d’une autre narrativité. Elle inscrit la distance plus que la dérision afin de porter un « message
» social ou politique souvent fort car implicite : puisqu’il oblige le spectateur à construire sa propre lecture et analyse
L’intelligence préside à ce travail. Toutefois l’émotion n’est pas absente. D’où la féerie proposée en forme jamais violente. Néanmoins tout est fait sinon pour atténuer les effets de l’affect du
moins pour ne pas les afficher afin qu’ils ne cannibalisent en rien le propos iconoclaste. Dès lors la féérie est volontairement glacée. Existe là une forme d’inter-lucidité impressionnante chez
cette poétesse surréaliste par excellence.
Catherine Andrieu, Les griffes d’Obsidienne, Préface de Patrick Cintas, Rafael de Surtis éditeur, Cordes sur Ciel, 2024, 40 p. — 18,00 €.