Critique de
Nicolas Jaen
Parce que j'ai peint mes vitres en noir
Catherine Andrieu
Rafael de Surtis, 51 pages, 15 euros
Pouvoir d'évocation de la peinture: comme si toutes les peintures se ressemblaient alors que l'écriture semble ensevelir l'écriture. Sur la couverture de Parce que
j'ai peint mes vitres en noir, une peinture, qui dit tout de Catherine Andrieu : une jeune femme aux cheveux blancs, sa nudité voilée par son aura, et pleurant, de son œil droit, une larme de
sang. Ce livre – car c'est un livre, non un recueil – travaille l'âme de l'auteur, qui se dit « sans organes » à l'intérieur, seulement « du vide » où flotter, où elle exprime avec la même joie
de l'expression qu'elle veut être « deux », comme pour échapper à une mascarade, une unité rêvée, seulement rêvée et si caricaturale, au fond – ce livre agit à la manière d'un envoûtement, d'un
philtre d'amour et d'un poison tout à la fois, et travaille aussi bien l'âme du lecteur en le faisant sortir de lui-même après avoir jeté toutes ses idées préconçues au seuil de l'ouvrage. Car,
étant double, voire même différente à chaque poème écrit, elle s'expose, vers après vers, libres les vers, libre « La femme qui écrit », elle s'expose avec une sorte de pudeur impudique jouant le
rôle d'un charme. Oui, il faut être un brin expert en magie pour pouvoir encaisser certains coups, qui décapitent et ressuscitent tout de go, et désapprendre la magie pour entrer dans une toute
nouvelle magie : celle de Catherine. Entrer dans ses failles, sa langue intime, c'est aussi et surtout entrer en intelligence avec son texte. Par la simplicité de la formulation, trouver la
complexité du dit, comme une eau qui s'assombrit, et s'y faire chercheur d'or, d'un or tout entier spirituel, jusqu'à trouver une lumière, une évidence, un absolu. Ainsi écrit Catherine
Andrieu.
Nicolas Jaen, publié dans la revue Phoenix, n° 38.